Gestion du patrimoine privé : actus et nouveautés 2020

Gestion du patrimoine privé : actus et nouveautés 2020

Outre les dispositifs juridiques et fiscaux mis en place dans le cadre de la crise sanitaire du COVID 2019, l’année 2020 a également été marquée par des décisions jurisprudentielles et législatives importantes en matière de gestion du patrimoine privé.

Retour sur une année pas comme les autres …

  1. Impôt sur le revenu des particuliers

1.1. La mise en conformité du régime fiscal des sommes versées entre ex-époux

(Projet LF 2021 – art.2bis)

Rappel : Jusqu’à présent une réduction d’impôt était prévue seulement en cas de versement d’une prestation compensatoire intégralement en capital. La réduction d’impôt était égale à 25 % des sommes versées dans la limite de 30 500 €, soit une réduction d’impôt maximale de 7 625 €.

A l’inverse, les versements en capital effectués dans le cadre de prestation compensatoire « mixte » (c’est-à-dire versée pour partie sous forme de capital et pour partie sous forme de rente), étaient exclus du bénéfice de la réduction.

Par une décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a censuré ce régime fiscal au motif qu’il méconnaît le principe d’égalité en privant le débiteur d’une prestation compensatoire de la réduction d’impôt sur les versements en capital intervenus sur 12 mois au seul motif qu’ils sont complétés d’une rente.

Le projet de loi de finances pour 2021 tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et octroie au débiteur d’une prestation compensatoire mixte (en partie en capital et en partie en rente), le bénéfice de la réduction d’impôt pour les versements effectués en capital.

Le projet de loi de finances pour 2021 a été présenté en conseil des ministres le lundi 28 septembre 2020 puis déposé pour 1ère lecture auprès de l’Assemblée nationale. Celui-ci est actuellement en 1ère lecture au Sénat.

 

1.2. Les modalités déclaratives en cas d’arbitrage entre le PFU et le barème progressif de l’impôt sur le revenu

La loi de finances pour 2018 a instauré le prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % sur les revenus du capital perçus par des personnes physiques. Il s’applique de plein droit : le contribuable souhaitant opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu peut le faire lors du dépôt annuel de sa déclaration des revenus.

Il a été constaté qu’un nombre important de foyers fiscaux (± 8 millions) n’ayant pas opté pour le barème progressif ont payé un impôt plus important en étant imposés au PFU.

Ainsi, dans le cadre du droit à l’erreur, il a été décidé, dans une réponse ministérielle Rabault du 25 février 2020, que les contribuables qui n’ont pas opté pour le barème progressif au moment de leur déclaration de revenu peuvent le faire en formulant une demande à leur service ou ligne, sans pénalités, et ce, même si, en principe, l’option au moment de la déclaration est irrévocable.

Par ailleurs, afin d’encourager les contribuables à faire le bon choix, à compter de la campagne déclarative des revenus 2019, débutant en avril 2020 :

Les documents papiers envoyés aux usagers mettent l’accent sur la possibilité d’opter pour le barème progressif ;

– Dans le cadre de la déclaration en ligne, pour les contribuables n’ayant pas opté spontanément pour le barème progressif, un calcul est automatiquement réalisé en simulant l’option et un message invite explicitement le déclarant à opter si l’option s’avère plus favorable.

 

1.3. La modification du taux de la réduction « Madelin »

Les souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de PME de moins de 7 ans ou de plus de 7 ans en phase de développement réalisées depuis le 1er janvier 2016 ouvrent droit à une réduction d’impôt de 18 % des versements retenus dans les limites de 50 000 € et 100 000 €. La fraction des versements annuels qui excède ces limites, ouvre droit à la réduction d’impôt au titre des 4 années suivantes dans les mêmes conditions.

Par un décret du 7 août 2020, le taux de la réduction Madelin passe provisoirement à 25 % pour les versements effectués du 10 août 2020 au 31 décembre 2020.

Par ailleurs, le projet de Loi de finances pour 2021 prévoit la prorogation de la réduction d’impôt de 25 % jusqu’au 31 décembre 2021.

 

1.4. Réduction et crédit d’impôt

Au cours de l’examen de la 2nde partie du PLF pour 2021, les députés ont adopté de nombreux amendements concernant les réductions et crédits d’impôt.

  • Le dispositif Pinel, serait prorogé jusqu’au 31 décembre 2024, avec toutefois, un abaissement progressif du taux de la réduction pour les années 2023 et 2024.
  • Augmentation du plafond de la réduction d’impôt pour souscription au capital d’entreprise de presse à 10 000 € (contribuables célibataires, veufs ou divorcés) et 20 000 € (contribuables mariés ou liés par un PACS soumis à imposition commune),
  • Prorogation de la réduction d’impôt pour souscription au capital de SOFICA, de la réduction d’impôt Girardin Particulier, des dispositifs de réduction et crédit d’impôt en faveur des investissements forestiers, du crédit d’impôt en faveur de l’aide aux personnes et le crédit d’impôt pour conversion à l’agriculture biologique,

Enfin, deux nouveaux crédits d’impôt seraient mis en place :

  • l’un en faveur des bailleurs consentant des abandons de loyers au profit des entreprises durant la période de confinement,
  • l’autre pour les entreprises agricoles certifiées.

 

Autres mesures

Les députés ont inséré 2 mesures relatives à la retraite.

  • La 1ère propose que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur le coût d’une éventuelle amélioration des droits à retraite des conjoints collaborateurs d’exploitants agricoles.
  • La 2nde supprimerait la règle d’écrêtement des droits à retraite applicable aux fonctionnaires détachés à l’étranger qui ont opté pour la cotisation volontaire au régime de retraite de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

 

  1. L’évolution de la notion d’abus de droit fiscal

Rappel : L’article L64A du Livre des procédures fiscales (LPF)1 dispose :

« afin d’en restituer le véritable caractère et sous réserve de l’application de l’article 205 A du code général des impôts, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ont pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.»

S’agissant du champ d’application de l’abus de droit à but principalement fiscal, l’administration fiscale précise que cette disposition n’a pas pour objet d’interdire au contribuable de choisir le cadre juridique le plus favorable d’un point de vue fiscal dans la mesure où ces actes ne sont empreints d’aucune artificialité2.

En effet, elle retient deux critères cumulatifs pour caractériser un acte à but principalement fiscal :

Un critère objectif : l’utilisation du texte à l’encontre des intentions de son auteur,

Un critère subjectif : l’intention et la volonté du contribuable d’éluder l’impôt.

1 Modifié par la Loi de finances 2018

2 BOI-CF-IOR-30-20 publié le 31/01/2020

 

Quelques exemples de schémas à but non principalement fiscal :

– donation temporaire avec réserve d’usufruit au profit d’un enfant majeur non-membre du foyer fiscal qui procure certes une économie d’IFI, mais qui n’est pas pour autant abusive à condition qu’elle soit justifiée par la volonté d’aider l’enfant majeur à financer ses études en lui permettant d’occuper le logement ou de percevoir des revenus locatifs du bien transmis ;

– « passage » de la location nue à la location meublée ;

– l’option pour l’IS d’une société préexistante…

Par ailleurs, par un arrêt de principe du 28 octobre 2020 3, le Conseil d’Etat a répondu à la question de savoir si l’administration fiscale peut reprocher à un contribuable d’avoir commis un abus de droit en se conformant aux termes d’une instruction administrative plus favorable que la loi fiscale.

Autrement dit, le contribuable peut-il se voir reprocher par l’administration fiscale un abus de doctrine ?

3 Arrêt CE n°428048

Le Conseil d’Etat a estimé que le contribuable ne pourrait se prévaloir de la garantie contre les changements de doctrine en cas de montage artificiel. Autrement dit, celui-ci ne peut se voir

Reprocher par l’administration fiscale une utilisation abusive de sa doctrine sauf à démontrer qu’il s’agit d’un montage artificiel.

 

  1. Régimes matrimoniaux :

le sort de la clause d’exclusion des biens professionnels en cas de divorce

Dans le cadre d’un régime de participation aux acquêts, il est d’usage de prévoir une clause d’exclusion des biens professionnels permettant aux époux d’éviter, en cas de divorce, le paiement d’une créance de participation importante due à l’augmentation de la valeur de leurs biens professionnels au cours du mariage.

Or, dans un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 18 décembre 2019, il a été jugé, en application de l’article 265 du code civil, qu’un avantage matrimonial est révoqué de plein droit lors du divorce, sauf volonté contraire des époux exprimée dans une convention de divorce. Ainsi, cette clause serait parfaitement inefficace, sauf à prévoir son maintien dans une convention de divorce.

 

  1. International : précisions quant au critère du « séjour habituel »

Par une décision rendue en juillet dernier, le Conseil d’Etat a jugé que le séjour habituel dans un Etat, notion présente dans les conventions fiscales internationales rédigées sur le modèle de l’OCDE, s’apprécie au regard de la fréquence, de la durée et de la régularité des séjours dans cet Etat, qui font partie du rythme de vie normal de la personne et ont un caractère plus que transitoire, sans qu’il y ait lieu de rechercher si la durée totale des séjours qu’elle y a effectués excède la moitié de l’année.

Pour rappel, la notion de « lieu de séjour permanent », propre au Code Général des Impôts français, se distingue de celle de « lieu de séjour habituel », propre aux conventions fiscales rédigées sur le modèle de l’OCDE. Pour la notion de droit interne, le Conseil d’État utilise le critère de la durée de séjour comparative : le caractère principal du séjour est établi, en règle générale, lorsque la personne a séjourné en France plus de six mois au cours d’une année donnée ou si l’intéressé a résidé en France pendant une durée nettement supérieure à celle des séjours effectués dans différents pays étrangers4.

4 CE 19 nov. 1969 n° 75295

Un contribuable peut être considéré comme ayant son lieu de séjour habituel dans un Etat (et donc sa résidence fiscale) même si la durée totale de ses séjours ne dépasse pas la moitié de l’année 5.

5 CE, 8e et 3e ch., 16 juill. 2020

 

  1. Droits d’enregistrement 

5.1. La restitution des droits de mutation en cas d’usufruit successif

Pour rappel, le donataire gratifié d’une nue-propriété grevée d’un usufruit « successif » est taxé sur une assiette fixée d’après le barème de l’’article 669 du CGI, abstraction faite de l’usufruit successif, en fonction du seul âge du premier usufruitier.

Un tel mode de calcul lui est défavorable quand l’usufruitier successif est plus jeune que l’usufruitier actuel.

Le donataire peut toutefois bénéficier d’une restitution lorsque s’ouvre l’usufruit successif.

L’article 1965 B du CGI précise à cet égard : « Dans le cas d’usufruits successifs, l’usufruit éventuel venant à s’ouvrir, le nu-propriétaire a droit à la restitution d’une somme égale à ce qu’il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui avait été calculé d’après l’âge de l’usufruitier éventuel ».

Dans le silence de la doctrine administrative, la question était de savoir si le nu-propriétaire pouvait profiter de cette restitution lorsque les droits avaient été réglés par le donateur.

Une réponse ministérielle du 2 juin 2020 refuse le bénéfice de toute restitution des droits versés lors de la transmission d’une nue-propriété grevée d’usufruits successifs lorsque les droits de donation ont été pris en charge par le donateur.

 

5.2. Nouvelle exonération pour les dons familiaux de sommes d’argent (3ème LF rectificative pour 2020 – art.19)

Les dons de sommes d’argent consentis entre le 15 juillet 2020 et le 31 juin 2021 en faveur de ses descendants, ou à défaut de descendance, en faveur des neveux et nièces, sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 100.000 €, à conditions que les sommes données soient affectées, dans un délai de trois mois suivant le transfert, à :

  • La souscription au capital d’une PME au sens de la règlementation européenne 6 : la société doit remplir toutes les conditions d’une PME européenne et le donataire doit y exercer son activité professionnelle principale ou, si elle est soumise à l’impôt sur les sociétés, des fonctions de direction.
  • Ou des travaux de rénovation énergétique dans sa résidence principale dont il est propriétaire ;
  • Ou à la construction de sa résidence principale.

 

6 Relèvent de cette catégorie les entreprises qui ont moins de 50 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel ou le chiffre total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros.

Précision : le plafond s’applique aux dons consentis par un même donateur qui peut effectuer plusieurs dons en faveur de différents donataires mais le montant global ne peut excéder 100.000€.

Cette exonération se cumule avec d’autres avantages fiscaux :

– l’abattement consenti aux dons familiaux de sommes d’argent d’un montant de 31.765€ (art.790G du CGI).

– l’abattement de droit commun de 100.000 € applicable aux transmissions en ligne directe par parents et par enfants.

Différentes modalités déclaratives :

– acte notarié ;

– acte sous seing privé ;

– déclaration de dons manuels (formulaire n°2735)

 

  1. Le contrat de capitalisation : évolution de l’assiette imposable en cas de transmission à titre gratuit

Jusqu’au 20 décembre 2019, les produits d’un éventuel rachat exercé par les nouveaux détenteurs du contrat (héritiers, légataires ou donataires) étaient imposés sur l’intégralité de la capitalisation acquise depuis la souscription du contrat et non depuis sa transmission ce qui avait pour effet de majorer sensiblement l’assiette taxable.

Ainsi, les nouveaux détenteurs subissaient une double imposition :

D’une part au moment du décès ou de la donation, sur la valeur vénale du contrat (primes versées majorés des intérêts capitalisés) assujettis aux droits de mutation à titre gratuit;

D’autre part, au moment d’un rachat sur les produits du montant racheté et déjà taxés au titre de la transmission.

Le 20 décembre 2019, l’administration fiscale a modifié le BOFIP en précisant que la transmission à titre gratuit ou onéreux du contrat de capitalisation purge la plus-value. Les seuls produits taxables entre les mains des ayant-droits sont ceux constatés depuis le décès ou la donation.

 

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